Extrait de l'ouvrage "Le souffle d’Amon"

Louis Caillaud (Auteur) Edition Rosicrucienne


Extrait 1

« Le char stoppa devant un immense parvis où des mechâou en armes se tenaient. Inéni descendit le premier, suivi par Kaourê, qui depuis sa jeune enfance avec Kay, n’avait été à même d’accéder de nouveau à ce fastueux domaine. Alors qu’il demeurait fasciné par la beauté qui se dégageait de l’ensemble des lieux, Inéni le prit par le bras et l’entraîna vers l’entrée somptueuse du palais. Des serviteurs en tenue de pagne les accueillirent.

Dans les larges couloirs décorés de splendides scènes florales se croisait le personnel du palais. Ils traversèrent plusieurs salles où les ornements étaient faits dans l’élégance et l’opulence. Kaourê, impressionné, ne put s’empêcher de ressentir la toute-puissance royale et divine de la double-couronne ornée du cobra Oudjet, qui gouvernait le pays des Deux Terres. Après avoir longé une volière enfermant nombre d’oiseaux aux couleurs exotiques, Inéni et Kaourê, précédés de leurs guides, se trouvèrent dans une galerie où s’alignaient des ghafirs de la garde personnelle de Sa Majesté. Au fond, une porte à vantaux en sycomore, sur laquelle était marqueté un cobra-uræus en or, aux yeux de jade, s’ouvrit à leur approche. Le son d’une voix les bouleversa, s’adressant comme à un seul.

— Sa Majesté va te recevoir ! Entre !

Devant eux se tenaient le souverain suprême des Deux Terres, son épouse la reine Amhes et la jeune princesse Hatshepsout. Ils étaient dans la salle du trône. Inéni, discrètement, fit avancer Kaourê. Hésitant, la main gauche sur le cœur, ce dernier se mit à genoux, le front touchant le sol en marbre.

— Ainsi tu es le fils de Kay. Relève-toi ! »

Extrait 2

« Les trompettes d’Osiris sonnèrent la fin des soixante-dix jours. Le corps de Sa Majesté Thoutmosis le Premier, éviscéré, lavé au natron, bitumé, embaumé par des onguents et des fumigations, reposait sur son lit funéraire léontiforme fait d’or, incrusté de lapis-lazuli, de jaspe et de cornaline, la pierre des étoiles. La momie, entourée de bandelettes de lin blanc, protégée d’amulettes, portant son masque en stuc doré et des yeux en pâte de verre, était prête pour l’acte rituel de l’ouverture de la bouche. Se tenaient là les prêtres sem revêtus de la peau de léopard, les prêtres-lecteurs porteurs du rouleau des textes funéraires, les cérémoniaires des offrandes pour nourrir le Ka du défunt.

Dans la tente d’Or, devant la famille royale, les nobles et les courtisans, le prêtre sem Perrêsen présenta sur la bouche de la momie du défunt l’instrument sacré, l’herminette-netjerty, redonnant la vie en éternité. Puis d’une voix solennelle :

— Ô N... ! J’ai ouvert ta bouche par l’instrument avec lequel est ouverte la bouche des dieux. Amon, ouvre la bouche de N... ! Afin qu’il puisse parler en personne avec les dieux de l’Ennéade !

Perrêsen se saisit de l’herminette-netjerty, puis s’approcha.

— Ô N... ! Comme ta bouche est pure ! Ô Shou ! Que ta protection soit autour de lui pour qu’il vive et ne meure jamais ! »

 

Extrait 3

« Protégé par le vaste téménos où vient mourir le tumulte de l’extérieur, alors que le soleil achevait sa course dans l’autre monde, se déroulait dans le secret du temple le rituel du culte au dieu Amon. Sa Majesté Thoutmosis, en présence des prêtres sem et des prêtres ouab, dans le retrait du sanctuaire, fit sa montée vers la demeure du dieu. Des chanteuses d’Amon jouant du sistre psalmodiaient des litanies. Ouvrant les deux vantaux du naos et procédant aux actes cultuels, Thoutmosis prodigua au dieu des fumigations d’encens, de myrrhe et de jasmin. Puis se prosternant, il présenta l’ankh :

— Ô Amon, je te donne toute vie, toute santé, toute joie du cœur comme Rê. Éveille-toi, grand dieu !

Alliant le geste à la parole, Thoutmosis assura au dieu la revigoration de son Ka. Les prêtres s’étant allongés sur le sol, il présenta la Maât :

— Je ne dis pas de mensonges dans la demeure du maître de la justice. Je n’élève pas ma voix contre la Maât, Vérité-Justice.

Thoutmosis, aidé des prêtres, déposa des dons sur la table des offrandes :

— Je te donne pour que tu me donnes plus.

Il referma les vantaux, apposa son sceau d’argile et s’adressa aux prêtres :

— Voyez, j’ai placé le sceau, personne ne doit y avoir accès parmi tous les rois qui pourraient se déclarer.

Après une ultime salutation, tous se retirèrent à reculons, prenant soin d’effacer la trace de leurs pas, afin de chasser les forces maléfiques qui viendraient troubler la sérénité des lieux. »