Extrait de l'ouvrage "Alchimie, pour une autre conception du monde"

Philippe Deschamps, avec la participation de Philippe Heckmann (Auteur), Edition Rosicrucienne


Extrait 1

« L’iconographie alchimique recèle un bestiaire varié dont la vedette revient incontestablement au serpent, lequel peut être représenté dans diverses postures peu naturelles et donc très symboliques : se mordant la queue, doté d’ailes, enroulé ou cloué sur une croix ou un axe vertical, etc. Il représente surtout, dans une acception moderne et scientifique, la vibration ou sinusoïde oscillant de haut en bas et de bas en haut, de façon cyclique, entre deux niveaux, ciel et terre par exemple, mais aussi positif et négatif, volatil et fixe.

On le constate, cette figuration traduit bien le concept hermétique tel qu’il est défini dans la Tabula, et elle encourage à vérifier cette loi dans toutes les expressions de la nature : houle maritime, montée et descente de la sève dans les végétaux, ascension et descente du soleil tel qu’il apparaît dans le cycle journalier, succession des saisons et phases de la lune, précipitation et évaporation de l’eau, etc. Toute la vie, dans son expression spontanée, est régie par l’oscillation, l’alternance, le battement, supposant une dualité qui se déploie avec et autour d’un élément tiers qui est son axe et lui confère une unité.

Ainsi, le serpent enroulé autour du caducée représente cette dualité sur un axe de développement, tout comme celui qui se mord la queue tourne autour d’un point fixe, début et fin paraissant se boucler. En réalité, l’œuvre se déploie à l’intérieur d’elle-même, car en fait tout est toujours à la fois identique et différent. »

Extrait 2

« Ayant subi bien des purifications coïncidant avec l’œuvre au noir, l’adepte — à ce stade, il mérite bien ce qualificatif — se retrouve symboliquement dans l’état de Marie, la mère de Jésus. Subis ou volontaires, ses travaux l’ont conduit à assumer une certaine « virginité » apte à le rendre réceptif à un nouvel influx spirituel. Cette virginité semble tout à la fois le produit d’un effort personnel et d’une grâce particulière. Elle rend la personnalité relativement transparente pour l’influx spirituel qui la traverse. Cette opération reçoit les qualificatifs d’œuvre au blanc, albedo, mais aussi premier mariage alchimique. Le principe soufre ou masculin s’y retrouve symbolisé par l’ange Gabriel, l’Esprit saint qui vient féconder, en s’unissant à lui, le mercure de la personnalité. Il s’agit, par ce baptême du feu, de recevoir un premier souffle de conscience cosmique qui conçoit dans le cœur de l’adepte une nouvelle personnalité. Cela correspond véritablement à un processus d’engendrement, une grossesse spirituelle. L’agent catalyseur de cette union reste toujours le désir mercuriel de celui qui cherche à se libérer. Il existe de multiples désirs, et l’on peut affirmer que l’alchimie spirituelle consiste en leur contrôle et connaissance. »

Extrait 3

« D’une certaine manière, l’alchimie spirituelle tient tout entière dans cette autre injonction : « Fixe le volatil et volatilise le fixe. » Cette formule d’une grande profondeur découle du statut particulier de l’homme au sein de la Création et peut faire l’objet de multiples interprétations. Comme l’écrivait Louis-Claude de Saint-Martin, le Philosophe Inconnu, au XVIIIe siècle, la mission de l’homme consiste à continuer Dieu là où il ne se fait plus connaître directement. Fixer le volatil, dans ce cadre, consisterait à manifester sur le plan matériel, au cœur de la nature, un principe absolument libre, qui ne possède aucune dimension temporelle.

L’humanité est la porte ou la fenêtre par laquelle les plus hauts aspects de la divinité peuvent se révéler dans le monde. Il existe, dans les lois universelles, des potentialités infinies que l’homme et la nature objectivent progressivement. Mais comme l’Atalante fugitive du rosicrucien Michael Maier, cet esprit de liberté doit être fixé. Un esprit sans corps est comme un rien insaisissable. Cet esprit doit se fixer dans un corps. De par sa volonté et son imagination, il se présente alors deux corps à travers lesquels l’Esprit se connaît : la nature dans sa dimension invisible et spirituelle, et l’homme. Mais que l’on ne se méprenne pas : cette immense responsabilité dévolue à l’humanité ne porte pas en priorité sur l’homme extérieur. Il lui faudra, avant d’atteindre cet état, volatiliser tout ce qui est fixe en lui, son attachement à la matière, à des intérêts grossiers, à une dimension restreinte de son être, afin de laisser une place plus importante à l’être intérieur, le seul à pouvoir servir à cette corporisation divine. Par la fixation du volatil, son âme pourra alors devenir le temple de l’esprit divin. »