Extrait de l'ouvrage "La butte de Djémé"

Louis Caillaud (Auteur), Edition Rosicrucienne


Extrait 1

« La fête d’Opet célébrait l’année nouvelle. Nous étions le dix-neuvième jour du mois d’akhet, la foule du peuple de la cité de Medineh Abou s’était amassée sur le parcours du cortège pour voir passer le dieu Amon dans sa chapelle en bois du Liban incrusté d’or, portée par les officiants du temple, précédés des porteurs d’offrandes et des grands prêtres des cultes. Le dieu Amon allait retrouver dans le sanctuaire du temple la déesse Mout, sa compagne terrestre, pour un acte de régénération, et apporter au souverain des Deux Terres une durée infinie !... Ouserkâ déchiffrait les signes de Thot dans des écrits datant du règne d’Amenophis III, le père d’Akhenaton, qu’il avait subtilisés dans la salle des archives. Absorbé, il n’accordait aucune attention aux ovations de la foule manifestant sa joie sur le passage de la chapelle du dieu, quand il entendit une voix qu’il reconnut. Apeuré, prestement il fit disparaître dans un coffre tablette et calame ; puis, prenant un air détaché, il descendit accueillir Khaemouaset.
— C’est un plaisir !... Que me vaut cette surprenante visite ?
— Il y a bien des lunes que nous avons eu l’agrément de nous voir !...
Khaemouaset, de ses bras vigoureux, entoura le torse de son ami dans une franche accolade, puis, désinvolte, prit un siège se trouvant à proximité. Ouserkâ apporta sur la table du poisson salé, un pichet de bière et deux gobelets, qu’il remplit. Un peu surpris de sa présence inattendue, il fit remarquer à Khaemouaset qu’il était étonné qu’il ne soit pas auprès de Sa Majesté et son épouse royale Isis. »

Extrait 2

« Ouserkâ traversa les magnifiques jardins aux massifs floraux qui embaumaient l’air, et se dirigea vers le palais. Deux colosses nubiens devant la lourde porte de bronze à l’effigie du scarabée solaire s’inclinèrent devant le scribe. Ouserkâ pénétra dans la salle de réception où nobles et courtisans du palais s’affairaient. Tous le saluèrent. Les murs d’un blanc satin tranchaient avec le sol recouvert de scènes évoquant fleurs et oiseaux aux couleurs multiples. Au bruit de pas, il se retourna et vit Khâma qui venait à lui. Khâma le pria de le suivre pour le conduire à la salle d’audience de Sa Majesté.
Un Medjaÿ se tenait debout, il s’écarta à leur arrivée. Quand ils pénétrèrent dans la salle, Ouserkâ fut impressionné. Les murs portaient les titres de couronnement de Ramses enfermés dans des serekhs et des scènes triomphales de ses conquêtes. Sur un mur, des reliefs gravés montraient Sa Majesté en compagnie de ses deux filles au milieu de fleurs de lotus, jouant au senet avec elles. Celles-ci lui offraient des fruits qu’il mangeait en les félicitant. Ouserkâ fit quelques pas. Ramses se tenait assis sur son trône flanqué du Shema-taouy, entouré de son épouse Isis et du prince Khaemouaset. Khâma restant en retrait, Ouserkâ s’avança et se jeta à genoux, le front touchant le sol en signe de vénération.
— Salut à toi, ô Maître en éternité !... Puissant de manifestation en royauté !...
Ramses se leva de son siège léontiforme plaqué d’or et de lapis-lazuli, puis il descendit de son trône et s’approcha d’Ouserkâ. Il portait le kheft en étoffe rayée de bleu coiffant un visage rond avec un nez court, des lèvres charnues et des yeux en amande aux sourcils bien dessinés, lui donnant un abord affable qui contrastait avec son pouvoir royal. »

Extrait 3

« Dans la vallée de l’Imenet, sous un soleil qui inondait la rocaille du wadi, le sarcophage à l’effigie du prince Khaemouaset était conduit à sa tombe, porté par des esclaves nubiens. Sa Majesté Ramses III et son épouse Isis, dans leurs palanquins, suivaient le long cortège précédé des prêtres sem et des prêtres ouab. Les nobles de la cour assistaient la famille royale.
Les adoratrices d’Amon psalmodiaient des litanies, les pleureuses agitaient leurs sistres, se lamentant, le peuple des cités de Thèbes et de Djémé, amassé sur le passage du cortège, rendait grâce à leur prince pour sa bénignité. Les artisans de la place de Vérité étaient venus ovationner celui pour qui ils avaient creusé la roche. Ouserkâ, Aménakhté, Ournah et Bakhensout suivaient le cortège, quand il s’arrêta devant l’entrée de la tombe gardée par deux officiants sous le masque d’Anubis. Les porteurs placèrent le sarcophage sur le catafalque de cèdre incrusté d’or, aux pieds léontiformes. Le couple royal s’avança près du sarcophage. Thyi et Pantaour restèrent quelques pas en arrière.
Le grand prêtre sem, en posture osiriaque, fit face au sarcophage, leva au-dessus de sa tête son collier-ousekh et prononça une invocation.
— Ô Osiris N... ! Ne t’arrête pas de boire, de manger, de passer des jours de fête, de suivre ton cœur jour et nuit, ne mets pas le chagrin en ton cœur : que sont les années, si nombreuses soient-elles, que l’on passe sur terre ?... »