Extrait de l'ouvrage "L’Apocalypse de Jean, lumières et clefs"

Philippe Deschamps (Auteur), Edition Rosicrucienne


Extrait 1

« L’Apocalypse représente une des versions de la doctrine secrète et ésotérique des premiers chrétiens. Son sens premier et historique est bien connu : Jean, dont on n’est pas très sûr qu’il soit le scribe véritable du texte, se serait adressé aux communautés chrétiennes de son temps en butte aux persécutions romaines, et il leur aurait annoncé par cette vision le triomphe du christianisme et de son Église, la fin du monde antique et la disparition du joug romain. Néanmoins, la première lecture superficielle montre que les promesses spirituelles associées à l’avènement de la Jérusalem nouvelle n’ont pas été à ce jour tenues. C’est que le sens véritable de la révélation reste intemporel et que les temps annoncés sont toujours imminents à quelque époque que ce soit. Il faut donc aller chercher ailleurs que dans l’histoire le sens de ces scènes.

L’Apocalypse représente en fait, selon une des lectures possibles, le processus par lequel l’homme se transforme progressivement à travers des remises en question, des destructions et des purifications successives, pour atteindre l’ultime illumination, l’émergence de la Jérusalem céleste, « la ville de la paix », en lui. Ce que l’on connaît sous les termes de littérature apocalyptique représente, au-delà de toutes les attentes ou les craintes superstitieuses, le rappel permanent de l’urgente nécessité pour l’homme d’accomplir ce processus de perfectionnement. »

Extrait 2

« L’Apocalypse suppose ce renversement des valeurs qui guident le développement du monde temporel, puis le rétablissement de celles qui existaient dans un temps mythologique, avant même que les dieux fussent créés, avant même que l’être souverain n’émanât des créatures afin de se manifester dans l’actualité.

Ce passage de l’Apocalypse, comme c’est le cas de beaucoup de textes sacrés, peut représenter une sorte d’initiation à une compréhension plus haute de la vie, mais également un modèle eschatologique. Les soufis ont établi un même parallèle entre le récit du Mira’j, l’ascension du Prophète, et le modèle de l’initiation ou de l’expérience de l’âme après la mort. De même, le Livre des morts des anciens Égyptiens représentait une somme de formules et de recettes secrètes qui permettaient aux défunts d’éviter la « seconde mort ». Il servait aussi de modèle pour l’initiation des postulants aux anciennes écoles de mystères.

Arrivés à ce point, il reste à établir un parallèle incontournable entre le tarot initiatique, célèbre jeu de cartes décrivant les mystères de la Création, et l’Apocalypse de Jean. La méthode même utilisée par le narrateur pour décrire sa vision ressemble plus à un livre d’images qu’à un travail littéraire. Les vingt-deux chapitres de sa répartition font immédiatement penser aux vingt-deux lettres de l’alphabet hébraïque et aux vingt-deux arcanes majeurs du tarot. »

Extrait 3

« Encore une fois, Jean est transporté en esprit. Mais cette fois-ci, le voyage ne s’accomplit pas jusqu’au désert du silence, mais sur la montagne de l’illumination. Jérusalem la sublime serait donc située au sommet d’une montagne, comme la Shamballa des bouddhistes ou le sommet de la montagne de Qaf en islam. Elle représente le Cosmique, le royaume spirituel à propos duquel le Christ expliquait : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » Autres synonymes : l’épouse ou le corps de la Divinité. Elle ne peut être située symboliquement qu’au sommet de la plus haute des montagnes ou dans la plus profonde des vallées, car il faut d’abord descendre en soi avant de s’élever à la dimension du Tout-Autre. Elle représente la porte de ce qu’Henry Corbin appelait le monde imaginal, et de ce que Platon désignait dans le Timée par les idées mères ou archétypes. Il s’agit du royaume de l’esprit et des demeures de l’âme qui ont servi de modèles invisibles à l’expression du visible. D’un point de vue religieux, Jérusalem représente le peuple d’Israël, voire l’Église tout entière pour les chrétiens.

Si Dieu peut être conçu comme architecte, nous nous retrouvons ici en face des plans de l’édifice. Le texte décrit symboliquement sa structure carrée, parée de pierres précieuses, basée sur le nombre 12 et la puissance de 12, soit 144. La cité est conçue comme une hiérarchie invisible indiquée par les douze bases – ou assises – en pierres précieuses et les douze anges. Elle est même cubique, puisque sa hauteur est égale à sa longueur et à sa largeur. »