Extrait de l'ouvrage "L’univers des mantras"

Thierry Guinot, Edition Rosicrucienne


Extrait du chapitre « Transcendance et immanence du mantra »

« Objet d'équivalence possédant un pouvoir de liaison, pont entre deux mondes, faculté de réintégration à caractère vocal, et système universel d'adhésion à l'acte créateur, le mantra s'avère à la fois réalité d'essence divine et instrument propre à faire pénétrer l'homme dans le langage créateur divin. On peut alors l'envisager sous l'aspect de sa transcendance et sous celui de son immanence. C’est assez dire qu'il s'agit d'une démarche mystique majeure.

[…] Le mantra relie, car le son — qui se propage en cercles concentriques — possède le pouvoir d'appréhender simultanément plusieurs objets de création, de susciter des équivalences, ou de provoquer des mutations. Ceci peut aller jusqu'à des transformations matérielles. Rien ne se crée, rien ne se perd... mais le mantra ne peut rien détruire, de même qu'habituellement il ne peut rien construire. La logique d'équivalence propre aux mantrashâstra, et qui constitue ni plus ni moins qu'une alchimie pure et simple (si ce dernier mot peut trouver sa place dans ce livre), restitue au processus son sens concret, apportant à la relation entre le Verbe et Dieu la dimension qui manque au dhikr comme à l'hésychasme : celle de l'identité. »

Extrait du chapitre « La controverse du non-sens dans l’exégèse moderne »

« Le mantra, lui, n'a que faire de l'intelligibilité, seule lui importe l'équivalence du mot dans le monde d'en-haut et dans celui d'en-bas...  Ce caractère extra-linguistique est une constante, depuis l'âge de la protohistoire védique jusqu'aux derniers développements néo-hindouistes d'un Sri Aurobindo. Certains auteurs ont relevé que les structures védiques possédaient une construction parfaite et correspondaient à un usage rituel, qu'ensuite seulement les mantras se sont chargés de syllabes dénuées de sens et que — parallèlement — la fonction du mantra passait du stade rituel à celui d'adjuvant de la méditation, et finalement de la fusion en Dieu. C’est là une vision erronée, due à la déperdition de la portée des formules védiques, comme l'a démontré Sri Aurobindo, lesquelles formules possédaient une vertu salvatrice et, de plus, comportaient bien des bîja, contrairement à ce qui est parfois soutenu. Ces éléments sans contenu sémantique, appelés stobha, étaient bel et bien de la nature des bîja, ainsi l'on pouvait trouver : ham, hum, nam, om, phat, um, etc... »

Extrait de la conclusion

« L'intervention du mantra dans le processus permettant d'atteindre cette libération du karma est ainsi l'une des plus grandes illustrations de la puissance du Verbe, lequel devient salvateur au plein sens du terme. Mais n'est-ce pas le concept même du Logos de la littérature sapientielle du judaïsme, qui à travers les spéculations de Philon d’Alexandrie se serait inséré dans la christologie néotestamentaire, et plus précisément dans l'évangile johannique ?

Les nombreuses spéculations patristiques des premiers siècles de l'ère chrétienne, à propos du Logos, feraient pencher pour cette explication, d'autant que la théologie moderne reconnaît que le prologue de l'évangile johannique pourrait bien être l'insertion pure et simple d'une hymne antérieure, dont l'origine restera probablement à tout jamais aussi mystérieuse que celle des Veda. Et c'est au nom de ce Logos, le christ, que lors du sacrement de pénitence le prêtre catholique accorde l'absolution des fautes commises, moyennant une compensation qui consiste souvent... en des récitations. On voit qu'à des distances théologiques apparemment immenses, mais creusées surtout par l'homme, l'axe des causes et des conséquences peut être brisé par la Parole d’essence divine. »